LE 16 AOUT 1914

La Position Fortifiée de Liège est sur le point d'être submergée par la masse de tir des Allemands.
Peu après l’explosion du fort de Loncin, des parlementaires allemands se présentent à ceux de Hollogne et de Flémalle et annoncent que dix des douze forts sont pris. Les deux forts veulent continuer le combat, mais Flémalle se rend à 0710 heures par asphyxie et Hollogne à 0725 heures par dépression morale après l'explosion de Loncin.
La position fortifiée de Liège n’existe plus. L’armée Allemande peut traverser librement la Meuse et entamer son mouvement à travers la Belgique.
Hormis Loncin, tous les forts ont eu au moins 50% de pertes.
La résistance des forts de Liège, et surtout de celui de Loncin, aura un retentissement international et pèsera lourd dans la suite de la campagne. Ludendorff avait prédit que Liège serait pris en 48 heures. Or la résistance a duré 12 jours. Ce délai sera mis à profit par les armées alliées pour opérer leur concentration (voir "Aux Origines de la Victoire de la Marne").
Le Président Raymond Poincarré a dit à ce sujet :
« Le retard que la résistance de Liège a imposé aux Allemands nous a permis d’achever entièrement notre concentration, de faire venir dans le Nord les troupes d’Algérie et même d’être sur le point d’y recevoir une partie des troupes du Maroc. En même temps, ce délai a laissé aux Anglais la possibilité de se concentrer ».
Le Generalleutnant Ernst Kabisch a dit de la résistance belge à Liège:
"Les troupes allemandes ont trouvé dans le soldat belge un adversaire dont l'âpre ardeur combative a dépassé les prévisions de l'Etat-Major allemand."
Tandis que le Roi Albert 1er disait des héros "liégeois":
"Quel spectacle que ces 4.000 hommes ensevelis sous l'acier des coupoles et le béton des voûtes, coupés du reste du monde, immobilisant devant eux plus de 120.000 hommes et un matériel énorme."
Liège – Lettre du Général Leman au Roi Albert 1er
16 août 1914
Sire,
Après d’honorables engagements livrés les 4, 5 et 6 août, je jugeai que les forts de Liège ne pouvaient jouer d’autre rôle que celui de forts d’arrêt. Je maintins néanmoins le gouvernement militaire pour coordonner la défense autant que possible et pour exercer une influence morale sur la garnison. Votre Majesté n’ignore pas que j’étais au Fort de Loncin le 6 août, à midi.
Vous apprendrez avec chagrin que le fort a sauté hier, à 5 h. 20 du soir, et que la plus grande partie de sa garnison a été ensevelie sous ses ruines. Si je n’ai pas perdu la vie dans cette catastrophe, cela tient à ce que mon escorte m’a retiré de la place forte au moment où j’étais suffoqué par le gaz qui se dégageait après l’explosion de la poudre. On me porta dans une tranchée, où je tombai. Un capitaine allemand me donna à boire, puis je fus fait prisonnier et emmené à Liège.
Je suis certain d’avoir manqué d’ordre dans cette lettre, mais je suis physiquement ébranlé par l’explosion du fort de Loncin. Pour l’honneur de nos armes, je n’ai voulu rendre ni la forteresse ni les forts. Daignez me pardonner, Sire!
En Allemagne, où je me rends, ma pensée sera, comme elle l’a toujours été, avec la Belgique et le roi. J’aurais volontiers donné ma vie pour les servir mieux, mais la mort ne m’a pas été accordée.
Général Leman

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