L'ATTAQUE DU GQG DE LEMAN LE 6 AOUT 1914

La grande offensive générale des Allemands a démarré depuis 2200 heures la veille, le 5 août.
En s’approchant du fort de Liers dans un chemin creux, les 7e et 9e bataillon de Chasseurs se croyaient à l’abri. Mais le fort finit par les apercevoir grâce à son phare puissant. Les obus vont alors pleuvoir et une terrifiante averse d’acier va créer le désarroi complet dans les rangs ennemis. Seules trois compagnies du bataillon se trouvant sous les ordres du major Donalies ont pu continuer leur route vers Liège. Les ténèbres de la nuit se dissipent suffisamment pour permettre aux chasseurs allemands de découvrir des hauteurs de Thier-à-Liège l’immense panorama des toits de la principauté !
Le Major décide d’envoyer une compagnie dans la ville (carte) avec mission de préparer le cantonnement. Celle-ci se met aussitôt en marche sous le commandement du Hauptmann Baron von Rolshausen. Pour mieux faire leur entrée dans la cité, ils ont emmené avec eux le drapeau du 7ème bataillon. A 0000 heures le 6, par la rue Hennequin, puis par la rue Saint-Léonard ils pénètrent dans le centre ville et bientôt arrivent dans la rue Ste-Foi où se trouve le siège du quartier général belge occupé par le Lieutenant-Général Leman (situé à l'angle de la rue Ste-Foi et l'actuelle rue du Commandant Marchand. Aujourd'hui  s'y trouve l'athénée Liège II (ndlr).
Devant ce bâtiment, un officier belge, le Commandant Marchand, fume une cigarette sur le seuil de la porte. Marchand a eu son attention attirée par des cris et des applaudissements des civils croyant accueillir l’avant-garde d’un providentiel renfort militaire anglais ! Avec stupeur, il découvre la méprise. Bientôt rejoint par le commandant Vinçotte, il échange quelques paroles en anglais avec les trois officiers ennemis à la tête de leur colonne. Marchand finit par crier " Vous ne passerez pas ! " Immédiatement les bras armés de browning se tendent et, à bout portant, les adversaires font feu. Le Major von der Oelsnitz et le Hauptmann von Rolshausen s’écroulent. Le Major Comte Joachim von Alvensleben se précipite vers la porte d’entrée mais Vinçotte tire quatre coups de révolver dans le flanc du Major.
A l’exemple de leurs chefs, les soldats ouvrent le feu. De la voiture-bureau qui se trouvait parquée dans la rue, le commandant Sauber surgit dans la rue et mettant le genou à terre décharge son browning sur les assaillants. Un soldat allemand parvint à se glisser le long du trottoir en s’abritant derrière les automobiles stationnées. Il vise Sauber mais ses balles passent au-dessus du commandant et vont frapper Marchand mortellement atteint à la nuque et à la poitrine.
Le Général Leman, emmené par son chef d’état-major, le Colonel Stassin, s’échappe quant à lui par l’arrière du bâtiment et rejoint la gare de Vivegnis où un wagonnet le mènera à l'actuel Gare du Palais où une voiture le conduira à l’abri dans le fort de Loncin. Le combat continue dans la rue Sainte-Foi où une dizaine de soldats et de gendarmes belges sont menés au combat par les Capitaines Buisset et Lhermitte et par le Lieutenant Renard. Les Belges sont dix contre trente mais ils infligent de lourdes pertes à l’ennemi qui reflue. Le Commandant Vinçotte, à la tête d’une petite troupe les poursuit. Deux soldats allemands sont encore abattus. Dans leur déroute, les survivants se trompent de route et au lieu de rejoindre les deux autres compagnies de leur bataillon au Thier-à-Liège, ils s’acheminent directement dans la plaine de Rhées. Dans la rue Sainte-Foi, 14 morts gisent sur le sol : six Belges (dont le gendarme Houba) et huit Allemands.
Les deux compagnies stationnées au Thier-à-Liège après avoir attendu vainement des nouvelles de la compagnie envoyée en avant, se mettent à la recherche de leur brigade. Sans nouvelles de son état-major, le Major Donalies estime finalement probable que sa brigade a pu atteindre Liège et il décide de la rejoindre. Mal lui en prend ! A Vottem, un feu nourri accueille son avant-garde et les Capitaines von Armin et von Kortzfleish tombent mortellement blessés. Les survivants de l’avant-garde disparaissent dans la direction de Liège où ils seront faits prisonniers. Ce qui subsiste des deux compagnies reflue vers Rocourt. Au cours de cette retraite, le Major Donalies est tué alors qu’il se trouve isolé au milieu d’un groupe de soldats belges. Ses hommes trouvent un refuge provisoire dans une carrière de Rocourt. Ils subissent l’assaut des soldats belges sous les ordres du Capitaine Godefroid. Un drapeau blanc est semble t-il hissé. Les Belges s’avancent alors imprudemment et s’écroulent en grand nombre sous des rafales ennemies. Le Capitaine Godefroid est parmi les tués. Finalement les chasseurs allemands quittent leur abri de fortune et parviennent à rejoindre Lixhe.
Ce succès belge va encore être amplifié vers midi, quand le 20ème bataillon du 90ème fusiliers, tout à fait isolé du reste de la brigade en fuite, est fait prisonnier à proximité du fort de Pontisse.
Le General von Kraewel se rend maintenant compte que tout espoir d’atteindre Liège est perdu. L’immense plaine de Rhées retrouve l’aube d’un jour nouveau à la grande joie des forts de Pontisse et de Liers qui peuvent maintenant apercevoir avec précision les débris des troupes allemandes qui ne savent plus se dissimuler dans l’obscurité. Le commandant Speesen du fort de Pontisse ouvre le feu, de tous les côtés; c’est le sauve qui peut. Les seules voies de retraite à ce moment là, sont les deux routes qui mènent à Hermée mais ces routes son prises sous le feu du fort de Liers. Sous les feux croisés des deux forts, les survivants de la 34ème brigade parviennent finalement à Hermée.
Ivres de la douleur d’avoir perdu tant des leurs, des soldats perdent leur sang froid en pillant les maisons et en y mettant le feu. Des civils sont massacrés, dont le vieux Ghaye criblé de balles dans son corridor et son neveu Ulric qui est emmené dans une prairie et fusillé. Joseph Lhoest et Antoine Rouvray subissent le même sort. Jean Verdin, 82 ans, reçut une balle dans le ventre et expira après trois heures. Mathieu Matray qui n’avait pas mis beaucoup d’empressement à ouvrir sa porte fut fusillé. Le père et le fils Humblet, ainsi que le nommé Meekers qui se trouvait chez eux, furent passés par les armes par des soldats sous l’influence de la boisson. Un vieillard nommé Boucher fut arraché à sa maison et fusillé dans le jardin voisin. G. Colson et J. Ghaye furent faits prisonniers. On les conduisit à Lixhe pour être interrogés. J. Ghaye fut condamné à la détention en Allemagne tandis que G. Colson fut libéré. Malheureusement, en rentrant chez lui, il est à nouveau arrêté par d’autres soldats qui cette fois le fusillent !
Quant aux localités de Mouland, de Berneau et de Warsage, elles furent le théâtre d’affreuses scènes : 166 maisons furent incendiées et 33 habitants massacrés dont le malheureux bourgmestre de Berneau, âgé de 80 ans, qui subit un véritable martyre.
Plan du site
Retour à la présentation générale
Retour au 6-8
© Michel CAILLET - Tous droits réservés